Le secteur des assurances fonctionne sur la base de l'évaluation du risque. Le principe est assez simple°: les clients concluent une police et paient les assureurs pour se protéger financièrement lors de sinistres et autres calamités telles que maladie, incendie ou décès. Les assureurs, à leur tour, évaluent le risque de sinistre et déterminent la prime pour couvrir les coûts d'éventuelles réclamations. Les risques plus élevés paient une prime plus élevée, les risques plus faibles paient une prime plus faible. C'est le principe de solidarité de l'assurance.
Pour pouvoir évaluer le risque, un assureur a besoin de données. Pas de données, pas d'évaluation du risque°; pas d'évaluation du risque, pas d'assurance. Autrement dit, les données sont essentielles aux assureurs pour qu'ils puissent exercer leur activité principale. Depuis très longtemps, ils disposent de gigantesques banques de données internes contenant les données personnelles de leurs preneurs d'assurance. Certaines données sont plutôt neutres de nature, comme un nom ou une plaque minéralogique, mais d'autres sont plus sensibles, comme les informations relatives à la santé ou à un traitement médical.
En soi, rien de neuf. Ce qui change, en revanche, c'est l'augmentation exponentielle de la quantité de données disponibles ces dernières années – le big data. Tout comme la possibilité de collecter ces données et d'établir des liens logiques. De plus en plus d'assureurs associent leurs propres données internes aux données externes. Les données publiques du gouvernement ou d'universités, mais aussi les données en ligne de réseaux sociaux, données de conduite d'appareils de suivi tels qu'une boîte noire dans la voiture, une caméra embarquée ou une montre intelligente. Les technologies comme l'IA et le calcul quantique donnent à l'ensemble un boost supplémentaire.
Ces liaisons de données offrent de nombreuses opportunités, comme une évaluation du risque plus précise, une meilleure tarification et un traitement des sinistres plus rapide, bref, une personnalisation complète et une couverture sur mesure. Elles donnent également la possibilité de découvrir de nouveaux produits et marchés. Les grands assureurs belges (re)connaissent les possibilités et les expérimentent, généralement il s'agit d'une certaine partie de la prime qui peut varier. Mais ce sont principalement les assureurs étrangers, aux États-Unis par exemple, qui s'en sont vraiment servi et qui proposent, par télématique et autres informations complémentaires, des offres sur mesure. Avec succès, apparemment.
Prenez Progressive, cet assureur auto qui suit le comportement de conduite de ses clients au moyen d'un appareil relié au tableau de bord. Une conduite moins fréquente et plus sûre signifie des remises supérieures. D'autres entreprises font des choses semblables. Ainsi, State Farm octroie une réduction à ses clients qui complètent le programme Drive Safe & Save et des réductions supplémentaires pour conduite sûre. Avec «°Rewind°», Safeco introduit une sorte de «°programme de rédemption°» pour les accidents et les infractions, où les clients sont surveillés pendant une période de quatre mois. Selon le comportement de conduite enregistré, les primes d'assurance plus élevées peuvent être réduites. Il est même possible, dans certains cas, d'effacer une infraction du dossier d'assurance. Ou Lemonade. Cet assureur habitation et location peut proposer des prix ultra-personnalisés grâce au chatbot Maya qui, avec des milliers de clients potentiels, mène des discussions et, simultanément, collecte des données sur leurs demandes et leurs besoins.
Le big data offre donc des opportunités, mais les compagnies d'assurances doivent tenir compte de certaines préoccupations et fournir les efforts nécessaires. La situation suscite en effet plusieurs questions éthiques, comme la solidarité précitée, mais aussi la discrimination : qu'advient-il si vous ne voulez pas vous faire suivre et surveiller, par exemple°? Une autre préoccupation concerne la confidentialité et le droit à la protection de la vie privée.
Depuis deux ans, ces inquiétudes sont entendues par la réglementation RGPD, avec encore plus de rigueur qu'auparavant, qui stipule notamment que les clients doivent donner leur consentement en vue de l'utilisation de leurs données personnelles. Et qu'ils doivent être informés de manière claire et transparente à propos des données conservées à leur sujet et des fins auxquelles elles sont traitées.
Nous savons en effet que la majorité des assureurs gèrent les données de leurs clients correctement et avec intégrité. Et il ne s'agit bien entendu pas seulement du cadre législatif ; dans les assurances, il s'agit avant tout de confiance et de transparence. Après tout, c'est au client qu'il revient de choisir une assurance pour laquelle il doit communiquer des informations personnelles complémentaires. Si le client donne son consentement, de nouvelles initiatives d'assurance peuvent être développées. Les assureurs qui respectent le droit à la vie privée et qui proposent donc consciemment la transparence et les garanties nécessaires bénéficient d'un avantage concurrentiel.